Push the limits!

Plomion, Picardie, quatrième étape du championnat d’Europe et seconde manche MX2. En l’espace de trois tours, tous les regards sont fixés sur la Suz #94, un kid de 14 ans et 5 jours vole la vedette aux cadors du championnat !
Roczen (14), Anstie (15), Ferrandis (13), Herlings (13), le MX euro n’a probablement jamais connu une génération d’un tel niveau à un âge aussi précoce. A l’heure ou l’immense majorité des gamins passent la plupart de leur temps sur les bancs d’école et devant une console de jeu, leur quotidien à eux se partage entre préparation physique, alimentation « calculée », aller-retour Europe-US (pour les deux premiers) et séances de testing. Bien loin de toute notion de loisir, on parle bien dans ces cas-ci de « travail ».
Et les 4 précités ne sont que les produits un peu « extrêmes » de toute la tendance actuelle : « Repousser les limites, toujours plus loin et surtout de plus en plus… tôt ». Floraison de pôles, déscolarisation et débauche de matériel, l’influence du système (US ?) nous envahit petit à petit. Du minivert au cadet en passant par l’Europe, les chiffres font peur ; kilomètres parcourus, nombre de motos, budget pièces ou heures d’entraînement, les compteurs explosent…
Alors bien sûr le niveau global s’en ressent tiré vers le haut, mais avec un peu de recul, tout cela est il vraiment bien « sain » pour un pré adolescent ?
Le système US laisse rêveur, les posters de Villopoto et Grant ont envahi les murs des chambres des minots et bien loin de leur esprit de consacrer un petite place à Ramon ou à ce bon vieux Joshua…
Hors, en creusant un peu, ce fameux système s’apparente un peu, toute proportion gardée, à ce que l’on peut voir à la TV au travers des gymnases chinois ou des les piscines roumaines. Autrement dit, un microcosme dans lequel les notions de « marche ou crève », de la « sélection naturelle » ou encore du bon vieux dicton « beaucoup d’appelés pour eu d’élus » prennent tout leur sens. Et il suffit de creuser dans les vieux papiers ricains pour se rendre compte que l’AMA a sorti bien plus de Bentley que de Dungey et de Reynard que de… Canard (qui, cela dit en passant, ont encore tout à prouver).
Un système qui fait déjà des victimes, entendre un euro français dire que, je cite « il n’a plus envie » à 17 ans, voir un kid de 12 ans (ex minime) se devoir d’interrompre le sport moto sans quoi il risque d’hypothéquer son genoux pour le reste de sa vie, et je n’évoque même pas les grilles d’éducatifs remplies de 65cc gorgées de chevaux et rendues inconduisibles, tout cela fait peur et laisse (en principe) à réfléchir…
2008, Windham passe tout près du titre SX, le titre MX1 va se jouer (entre autre) avec des pilotes frôlant la trentaine (Ramon/Coppins), Ferry n’a jamais aussi bien roulé en SX et Everts n’a jamais été aussi fort qu’à 34 ans. Maturité, expérience, connaissance de son corps et des méthodes d’entraînement, « œil » sur la piste, un pilote de cross atteint, en principe, son « apogée » mentale et physique entre 23 et 30 ans.
Pour en revenir à notre mouton, ce cher Ken aura, à l’âge de 25 ans, plus de 13 saisons au plus haut niveau ! Quid de sa motivation, de son état physique (blessures), de sa situation familiale, sociale et financière, mais surtout, aura-t-il encore envie de manger les murs comme c’est le cas au jour d’aujourd’hui ? Je lui souhaite que le meilleur mais il y a, théoriquement, plus de chance qu’il soit sur la pente descendante que ascendante…
Cette envie à préserver, c’est la clef du succès et de la longévité. Faire évoluer l’enfant progressivement, sans brûler les étapes en privilégiant surtout la notion de plaisir, tel est probablement le devoir des parents.
Tortelli fut champion cadet avec très peu d’heures de moto, Everts effectua sa première course à 12 ans et Smets à 17, dix ans plus tard l’envie était toujours intacte et plus grande que jamais…
Construire une carrière sportive s’apparente un peu à la gestion d’une entreprise ; proposer un bon produit, cibler les objectifs, investir au bon moment, progresser par étapes, s’entourer des bonnes personnes tout en entretenant l’envie et la passion. Toute une alchimie…
Photos copyright Maximilian Ludwig/Red Bull Photofiles – Valentin Guinberteau / Mx2k.com
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